Discussion avec Paul Ardenne sur des questions de Karim Ghaddab, organisée par l’unité de recherche Design et Création de l’Esadse et soutenue par le ministère de la Culture en partenariat scientifique avec les Archives de la critique d’art et artpress.
C’est devenu un truisme que de souligner la multiplication des crises de tous ordres, au début d’un XXIe siècle qui s’est ouvert avec les attentats terroristes du World Trade Center, s’est poursuivi avec la crise financière des subprimes en 2008, puis la crise migratoire depuis une dizaine d’années, la crise écologique et climatique qui désigne notre présent comme “anthropocène”, la crise politique mondialisée qui voit émerger populismes et mouvements sociaux de grande ampleur, et désormais la crise sanitaire liée à la pandémie de covid 19. En regard de cet état de crise généralisé et permanent, la situation de l’art apparaît comme un épiphénomène qui ne concerne qu’une minorité de privilégiés. Pourtant, si l’on en croit l’étymologie, la “crise” est un moment “critique”, propre à basculer vers la guérison ou la mort. Par sa capacité supposée de diagnostic, la critique d’art est-elle (encore) en mesure de nous éclairer sur les œuvres et, par conséquent, sur l’état du monde dans lequel elles s’inscrivent ? Dans un contexte d’urgence permanente, peut-elle se montrer réceptive à des œuvres qui ne s’inscrivent pas dans le commentaire de l’actualité ? Peut-elle maintenir des prétentions évaluatrices ou n’est-elle réduite qu’à un exercice communicationnel parfaitement intégré à l’industrie culturelle ? Le délicat tressage que, depuis sa naissance au siècle des lumières, la critique d’art entendait nouer entre rationalité et sensibilité conserve-t-il aujourd’hui sa pertinence ?