


À son orée (le paléolithique), l’architecture était une discipline peu «genrée». Logement, construction, aménagement du logis, ces données concernaient le clan, la tribu, le village, tous sexes confondus, hommes comme femmes indifféremment. Quelques dizaines de millénaires plus tard, qu’en est-il ? L’architecture s’est masculinisée.
Il y a à cette masculinisation de multiples raisons. Certaines, peu suspectes d’une confiscation calculée du pouvoir, sont liées à la physique du travail (construire exige de disposer d’une force corporelle, plus intense chez les hommes). D’autres, corrélatives du statut minoré de la femme des sociétés patriarcales, sont moins équitables. Bien des civilisations, archaïques comme contemporaines, confinent la femme au gynécée et aux tâches domestiques : de quoi l’éloigner des études poussées qu’exige l’architecture, discipline adossée à la complexité matérielle et à l’ingénierie. Quant à la culture bourgeoise, elle tend à interdire aux femmes le labeur, carrément : la « bourgeoise » honorable ne travaille pas. Le milieu même de l’architecture et ses usages, enfin, ajoutent à cette discrimination: pas de femmes manageant les chantiers; pas de femmes, en agence, aux postes de pouvoir.
Le début du XXIe siècle s’élève contre cet ostracisme. Les femmes, en nombre, intègrent les écoles d’architecture, créent des agences, bâtissent, trustent les récompenses. La question se pose, du coup, de leur apport à la discipline. Spécificité ou assimilation ? Originalité ou conformisme ?