
MADNICITY SYMPOSIUM – SESSION 3: “MADNESS IN ART” – 23 AVRIL 2022
Conférence de Paul Ardenne, “L’art, le corps, la folie” à 15 h 30
MADNICITY PAVILION, Isola San Servolo, Venice.
L’art, le corps, la folie. Cette triangulation va de soi. Sauf si elle se dédie à la production ou aux arts appliqués, toute création est proche de la folie. Plutôt : elle est une approche consciente, par l’artiste, de ce dérèglement de tous les sens que put sanctifier, dans le sillage du romantisme tardif, le Rimbaud de la Lettre du voyant. Créer, sitôt que l’on entend ne plus brider son geste, c’est ouvrir le corps à un potentiel d’expression que la vie courante ne requiert pas, à l’état de latence. Cette ouverture du corps à son altérité, dans le cas de l’individu sain d’esprit, est volontaire. Ce n’est pas le cas chez l’aliéné mental, qui la subit. S’il est vain de déterminer où se situe, chez l’humain, la limite entre le normal et le pathologique, s’il paraît tout aussi risqué de faire de la création artistique une pratique en tous points saine et se protégeant de la névrose, l’art tel que le pratiquent, respectivement, l’individu normal et l’aliéné mental, diffère en qualité.
Où l’artiste conscient de sa position et de son geste, lorsqu’il crée, se regarde lui-même, stade supérieur et sublimé de la séquence inaugurale du miroir, l’aliéné mental, pour sa part, poursuit une obsession, livré pieds et poings liés à une demande qui relève de la torture. L’artiste peut toujours désirer, quantifier son désir, l’orienter. Pas l’aliéné, qui est projeté sans échappée possible vers l’empire du besoin. Ce caractère d’enfermement qualifie toute pathologie, et cet enfermement, le malade ne le fuit que par la guérison ou par la mort. Crée-t-il, comme le font bien des malades mentaux ? Cette création est moins libératrice que réitératrice, elle est moins poiésis, création qui ajoute au monde et vient le changer, que désespérante praxis où l’esprit fendu tourne sur lui-même, dans le cercle clos de la pathologie. Paul Klee, autour de 1920, à propos de l’art des malades mentaux, s’exclame et vante sa “ profondeur ” et sa “ force d’expression ”. Ce point de vue est faux. L’art de l’aliéné, ce dernier serait-il conscient de sa nature “ artistique ”, se constitue d’abord comme incarnation de souffrance, non comme style.
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